Les œuvres de Bruno Mantovani sont éditées aux Editions Henry Lemoine
Editions Henry Lemoine
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Musique contemporaine
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Lorsque j'ai composé Le sette chiese en 2002, cette oeuvre était particulièrement singulière dans ma production. Par sa longue durée, par son effectif (un grand ensemble divisé en quatre groupes spacialisés), par le temps que j'ai mis pour l'écrire (plus de six mois, ce qui est exceptionnel pour moi), et par son inspiration architecturale, cette pièce se distinguait de toutes les autres qui composaient mon catalogue. Il ne s'agissait pas de dresser un bilan de ce que j'avais déjà fait (ou plutôt de ce que je savais déjà faire), mais de considérer cette vaste fresque comme un moyen d'élargir ma palette expressive, comme un terrain d'expérimentation qui me permettrait d'ouvrir de nouvelles voies dans mon travail. De la juxtaposition abrupte d'éléments contradictoires ou de la référence aux musiques populaires (notions caractéristiques de mon langage), il ne reste quasiment rien ici. Au contraire : c'est l'introspection, la sobriété, la raréfaction du matériau qui sont de mises. Je me suis inspiré du complexe des "sept églises" de Bologne (un ensemble architectural unique en son genre, commencé au premier siècle de notre ère, et achevé à la fin de la renaissance, composé de diverses bâtisses littéralement "encastrées" les unes dans les autres). L'originalité architecturale de l'ensemble ainsi que sa fonction religieuse ont été sources de réflexions sur l'espace et sur sa poétique. L'oeuvre que j'ai écrite, d'une quarantaine de minutes, confronte en effet quatre groupes (deux ensembles quasiment symétriques fonctionnant généralement dans un principe d'antiphonie, plus un trio formé des instruments les plus graves au fond de la scène, et six musiciens disposés en arc de cercle et en hauteur). L'espace ainsi occupé est traité dans des dimensions diverses : le conflit, l'occupation progressive, la focalisation, la fragmentation, la globalisation. Ces divers principes sont déjà un moyen de rythmer la forme, à travers les deux suites réunissant quelques neuf mouvements contrastés.
Première partie :
La piazza Santo Stefano : avant de pénétrer dans le Sette chiese à proprement parler, j'ai voulu placer l'écoute dans un cadre bien éloigné de l'instrospection religieuse à venir, dans une dimension de plein air. Le matériau musical témoigne de l'activité humaine, s'inspirant de "bruits quotidiens" tels que ceux que l'on peut entendre sur le parvis des églises bolognaises.
L'église de Saint Jean-Baptiste : c'est un édifice remarquable, composé d'une courte nef et d'une abside surélevée (délimitée par deux grandes toiles que le fidèle ne peut apercevoir depuis la nef). L'ensemble m'a inspiré un long mouvement ascendant (glissendi de l'ensemble en quarts de ton) conduisant à un premier jeu d'antiphonie.
La crypte : cet espace dédié à la méditation se situe sous l'escalier conduisant à l'abside dans l'église de Saint Jean-Baptiste. Richement ornementée, la crypte est un lieu de lumière, caractérisé par les nombreuses dorures. J'ai choisi un mouvement continu de résonance, sur lequel se greffent des références au chant grégorien et des figures sur-aiguës symbolisant la clarté de l'ensemble.
La basilique du sépulcre (à Hervé Boutry) : c'est une salle extrêmement sombre, la plus ancienne de l'édifice (car construite sur les restes d'un temple circulaire paléo-chrétien), au milieu de laquelle se situe un autel en forme de tour sous lequel sont présentes les reliques de San Petronio. Voulant jouer sur l'opposition entre l'obscurité générale du lieu, et l'intensité lumineuse des reliques, j'ai articulé l'ensemble en deux parties, la première laissant la part belle à la contemplation (pianos en antiphonie, grosses caisses sourdes assurant un continuum impalpable), et la seconde symbolisant par sa virtuosité les lumières éclairant les reliques.
Seconde partie :
Basilique des Saints Vital et Agricola (à la mémoire d'Olivier Messiaen) : à ce lieu sobre, rectangulaire, j'ai fait correspondre un choral de cuivres donnant la naissance à un trio de percussions à hauteur indéterminées.
La cours de Pilate (à Jonathan Nott) : l'extérieur se mêle à l'intérieur, puisque cette cours permet aux sons du quotidien de s'introduire dans l'édifice. C'est alors l'occasion pour moi de reprendre la matériau de l'ouverture, et de travailler sur la superposition rythmique et sur l'interruption.
L'église du martyrium : elle est composée de cinq petites chapelles, auxquelles correspondent cinq miniatures (la deuxième d'entre elles, lyrique, évoque la statue de la Vierge présente dans une des alcôves, alors que la dernière, une marche militaire stylisée, fait référence au monument aux morts de la guerre).
Le cloître : sa disposition ainsi que la superposition de deux ensemble d'arcades m'ont incité à travailler sur la notion de rotation, d'abord pour le groupe instrumental disposé en hauteur, puis à travers les autres ensembles.
La chapelle du bandeau : c'est la pièce qui abrite actuellement le musée des Sette chiese. J'ai voulu dresser un "bilan émotionnel" de l'édifice, reposant musicalement sur un système d'accords occupant progressivement tout l'espace sonore et sur la stylisation de cloches (superposition de pulsations indépendantes).
Commande de l'Ensemble intercontemporain et du festival Musica de Strasbourg, Le sette chiese ont été composées avec le soutien de l'AFAA (programme "Villa Médicis hors les murs") et créés le 29 septembre 2002 sous la direction de Jonathan Nott.
Bruno Mantovani
1 CD Kairos,
Le Sette Chiese - Streets - Eclair de Lune
Ircam, ensemble intercomtemporain, Susanna Mälkki (direction)