Bruno Mantovani

Fiche

  • Effectif instrumental
    Quintette
    fl(picc&flA) / hb(ca) / hp / vib / vla
  • Durée
    100'
  • Date de parution
    05/03/2003
  • Commanditaire
    Auditorium du Louvre
  • Création
    05/03/2003
    New York, Lincoln Center
    Ensemble Sospeso, Bruno Mantovani (direction)

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Contacts

Les œuvres de Bruno Mantovani sont éditées aux Editions Henry Lemoine

Editions Henry Lemoine
27, boulevard Beaumarchais
75004 PARIS - France

Musique contemporaine
Tél. : 33 (0)1 56 68 86 74

Service orchestre
Tél. : 33 (0)1 30 90 56 36

East side, west side

Notice

Elaborer une partition destinée à accompagner un film muet est une expérience singulière, dans la mesure où cette situation artistique est la seule où un compositeur doive s'adapter à la "forme et au temps" d'un autre.
Travailler sur un argument narratif pose déjà bien des problèmes de relations entre une oeuvre musicale et un "objet" qui lui est extérieur - mais si, dans le lied, les sections de commentaires pianistiques permettent à la subjectivité du musicien de s'exprimer en toute liberté, échappant ainsi à la "contrainte" du texte, et si, dans l'opéra, les interludes orchestraux créent là encore un espace dramaturgique où le compositeur peut fixer ses propres règles hors des lois de la scène, il n'en est rien ici : le film est omniprésent, ne quitte pas l'écran, ne s'interrompt jamais pour laisser au musicien le loisir de suspendre le cours de l'histoire.
C'est ainsi que le compositeur, dépendant d'un objet immuable sur lequel il ne peut intervenir, se retrouve apparemment réduit à un simple rôle d'illustrateur sonore.
Pourtant, malgré la dictature du time code et des images autonomes défilant devant les yeux, le travail de composition peut dépasser ce stade, notamment en jouant sur les conventions du genre. Notre mémoire est remplie du souvenir des interventions improvisées qui accompagnent généralement les films muets, et tout écart par rapport à ce modèle de base est source de surprise. C'est ce point de départ que j'ai pris dans mon travail sur East side, West side, le film d'Allan Dwan. Jamais mon langage ne fait référence à la tradition : il est le même que pour mes oeuvres de concert. Quant à la forme de cette oeuvre singulière, si elle reste conditionnée par la structure du film, elle essaie d'en échapper, ou plutôt de sortir de sa linéarité originelle, par l'utilisation d'une même musique (et non pas d'un même thème !) à des endroits stratégiques de l'action. Une mise en perspective de plusieurs séquences cinématographiques qui rejoint mes préoccupations compositionnelles liées à l'utilisation du flash-back, et de façon plus générale, au jeu sur la mémoire que je tente de mettre en oeuvre dans toutes mes pièces.
Pourtant, il n'était aucunement question pour moi de céder à la tentation du leitmotiv, de la "carte de visite sonore". J'ai préféré mettre en valeur la conduite narrative du film dans une logique d'illustration, ou plutôt, d'interprétation personnelle, de glose. L'effectif choisi, aux couleurs très françaises (puisqu'il s'agit du trio debussyste "flûte, alto, et harpe", auquel j'ai ajouté un hautbois et un vibraphone), m'offrait une large palette sonore. Si on pouvait s'attendre, a priori, à une formation plus typiquement "américaine", avec cuivres new yorkais et percussions urbaines, c'est vers des atmosphères plus intériorisées que j'ai voulu orienter le discours musical - dépeindre l'état psychologique des personnages m'intéressait plus que composer à partir du monde extérieur dans lequel ils évoluent. Ces problématiques renvoient directement à la notion de représentation en musique. L'éventuelle contradiction entre l'image et le son, les redondances qui peuvent se créer entre les deux formes d'expression, la hiérarchie à établir entre ce que l'on perçoit "concrètement" par les yeux et abstraitement par les oreilles évoquent pour moi à l'opéra, genre auquel je compte me consacrer dans les prochaines années.

Bruno Mantovani

Index des œuvres
© Bruno Mantovani